Géopolitiquement vôtre : James Bond et les relations internationales
James Bond a cinquante ans. Aucun autre héros cinématographique n’a eu d’espérance de vie aussi longue, combattant tour à tour les ennemis du Royaume-Uni. Mais entre fiction et réalité géopolitique, la différence est parfois bien ténue !
Sur les 23 films de la série, 16 sont sortis en temps de Guerre Froide. Et pourtant, alors que le cinéma a souvent été une arme de propagande occidentale, l’URSS n’a été que très rarement l’ennemi officiel de 007. Alors même que le premier film est sorti l’année de la crise de Cuba, et que les tensions n’ont jamais été aussi fortes que durant les années soixante, Bond n’a eu que très peu de fois à faire avec les espions soviétiques. Il faut même attendre la fin des années 1980, avec Timothy Dalton, pour entendre parler du programme Smiert Spionam (Mort aux espions, en russe), qui ressemblait de très près à une initiative soviétique datant des années 1950-60. Comble du comble, le Royaume-Uni et l’URSS unissent leurs forces ( !) pendant les années 1970 dans L’espion qui m’aimait.
Depuis lors, Bond est un espion qui vit avec son temps. Ce ne sont plus les ennemis qui sont géopolitiquement réalistes, ce sont les enjeux et les thèmes traités. Les films avec Daniel Craig le sont particulièrement : Casino Royale et les dérives de la spéculation, Quantum of Solace sur les liens unissant investisseurs et hommes politiques au prix de désastres écologiques et sociaux. Des enjeux planétaires, donc, mais il n’est jamais question des adversaires du prétendu bloc occidental. Les années de Guerre Froide ont vu l’affrontement entre Bond et le SPECTRE, mystérieuse organisation composée d’anciens agents soviétiques, et qui, pour certains, peut représenter l’ancêtre d’Al-Qaida : nébuleuse, structure fortement hiérarchique, actions très ciblées, chef dont l’aura est à la genèse-même de l’organisation. Ne manque, finalement que l’aspect religieux, qui est à la base d’Al-Qaida (lutte antisioniste et union de tous les musulmans), remplacée, dans la fiction, par le Dieu-argent. Depuis lors, les ennemis ne sont liés à aucune organisation, si bien que la crédibilité de leur haine de l’Occident (ou du Royaume-Uni) est bien faible.
La dernière pièce du soft power britannique
Regarder la saga James Bond résume largement l’évolution du monde sur le dernier demi-siècle, avec une vision particulièrement occidentale. De la course à l’espace, on passe aux problématiques liées au pétrole, au nucléaire, aux trafics, à l’environnement. Mais un seul constat demeure : James Bond est la dernière pièce du puzzle culturel britannique. Pour un pays connaissant des difficultés économiques (avec une financiarisation à outrance qui joue des tours depuis quelques années), le soft power marche toujours à plein à l’heure de James Bond. Son entrée en scène lors de la cérémonie d’ouverture des derniers Jeux olympiques, avec la Reine, n’y est pas étrangère. Bond est là pour défendre coûte que coûte le Royaume. Avant que le ciel ne lui tombe sur la tête…